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  • Chronique de Les Piliers de la Terre , de Ken Follett

    L'enquête historico-ésotérique fait partie aussi des livres que l'on chronique ici. Et Ken FOLLET a une oeuvre conséquente.

    Intrigue des  Piliers de la Terre

    Les Piliers de la Terre.JPGAngleterre, XIIe siècle. Le pays est ravagé par les guerres de succession qui causent famines et misères parmi la population. Dans la petite ville de Kingsbridge le prieur Philippe souhaite édifier une magnifique cathédrale à la gloire de Dieu, mais pour cela il doit s'opposer à son supérieur hiérarchique, un évêque machiavélique et assoiffé de pouvoir qui conte bien détourner les fonds pour la construction de la cathédrale vers un autre chantier, celui de son château personnel. De plus, les seigneurs locaux voient également d'un mauvais cette cathédrale qui pourrait faire de Kingsbridge, ville encore assez insignifiante, un véritable centre économique qui pourrait leur faire de l'ombre. Toutefois il peut compter sur l'appui du valeureux constructeur Tom Builder prêt à tout afin de construire l'édifice de sa vie, Aliéna une riche bourgeoise issue d'une famille déchue et bien d'autres. Alors que pendant ce temps-là les puissants se déchirent inlassablement obligeant chacun à se mettre du bon côté afin d'arriver à ses fins.

    Les piliers de la terre, paru en 1989, est généralement considéré comme le meilleur roman de l'écrivain britannique Ken Follett. Il délaisse ici ses habituelles intrigues plus tournés vers le roman d'espionnage ou policier pour une livrer une immense fresque historique se déroulant sur plusieurs décennies afin de suivre la construction d'une cathédrale ainsi que l'évolution de la ville de Kingsbridge. Autour de ce sujet principal Ken Follett essaie d'y incorporer quasi tout le moyen-âge, que ce soit les guerres, la politique, l'économie par ses différents métiers et professions, la religion... Et il faut dire que Ken Follett y réussit parfaitement. Il nous fait revivre le moyen-âge presque comme si on y était. Le tout est très intéressant et j'ai particulièrement aimé les descriptions d'ordre architectural où l'auteur nous décrit entre autres l'évolution du style romain vers le gothique.


    Mais ce roman souvent caractérisé à tort comme chef-d'oeuvre comporte également les habituels défauts que l'on peut retrouver dans la plupart des romans de Ken Follet (comme Les Armes de la lumière ou La chute des géants) :

    Premièrement les personnages, même s'ils sont bien attachants, sont bien trop superficiels et n'ont aucune envergure. La vision de Ken Follett est également trop manichéenne car on retrouve d'un côté les personnages très gentils et de l'autre les très méchants. Cela n'a hélas que bien peu de sens dans une oeuvre qui se veut à la base aussi complexe. De plus en tant que bon auteur de best-sellers les rebondissements sont nombreux et même trop nombreux. La petite guéguerre entre le prieur Philippe et l'évêque et de nombreuses autres finissent par lasser à la fin. A chaque fois le méchant essaie de faire un tour au gentil qui finit par l'emporter, et puis quelques pages plus loin cela recommence de la même façon. Outre la construction de la cathédrale, Ken Follett y intègre également un deuxième fil rouge autour d'un procès d'antan qui impliquait plusieurs personnages de l'histoire avant même que celle-ci ne commence, sans toutefois réussir à garder l'intérêt du lecteur autour de cela qui va pourtant mener de façon prévisible au dénouement final de toute l'histoire. On regrettera également une certaine complaisance de l'auteur dans la description de certaines scènes de violence, notamment de viols. C'est un vain procédé assez classique dans de nombreux mauvais romans historiques traitant du moyen-âge d'y intégrer de dures scènes à la violence gratuite afin de bien noter à quel point l'époque a dû être dure et terrible à vivre. Et comme tout bon best-seller celui-ci contient un nombre de pages bien trop important (plus de 1000) dont de bien nombreuses qui sont superflues.

    Mis à part ces nombreuses critiques le roman reste toutefois bien divertissant et fera passer le temps à de bien nombreux lecteurs.

    A noter la sortie en octobre 2007 d'une suite pas encore traduite à Les piliers de la terre et intitulée World Without End qui reprend l'histoire deux siècles plus tard des descendants de certains personnages du présent roman alors que la Peste noire ravage l'Europe et notamment Kingsbridge.

     

  • Lecture de Le capitalisme total

    Un peu plus de 90 pages et l’on en a fini du capitalisme financier. C’est une bonne chose. Peyrelevade, en bon pédagogue, explique aux petits porteurs que nous ne sommes pas le poids du capitalisme financier et les raisons pour lesquelles ce dernier a triomphé d’un capitalisme plus modeste, national et limité, autrefois vanté sous le terme de "capitalisme rhénan" par Michel Albert.

     

    A l’époque de ce fameux "capitalisme rhénan", on ne savait pas encore, quand on travaillait à la chaîne, que les capitalistes de tous les pays allaient se donner la main, et pas n’importe laquelle : la main invisible du marché, bien sûr, afin de transformer les structures des entreprises. Ce fut l’adieu au capitalisme de l’entrepreneur, aux dynasties familiales, et le début de la virtualisation de l’actionnariat. Jean Peyrelevade nous l’explique à sa manière, en partie chronologique. Il montre bien à quel point les fonds d’investissement américains ont rapidement usé et abusé de leurs nouvelles prérogatives en poussant les responsables des firmes à ne voir que la haute rentabilité à court terme. Destructeur d’emplois locaux, ce capitalisme désincarné investit tous les marchés dits "en croissance", en particulier en Asie du Sud-Est, tout en concentrant la richesse dans les mains de certains, une minorité d’actionnaires américains, européens, japonais.

    "Actionnaires de tous les pays"... Destructeur des industries anciennes, et des structures d’intermédiation d’autrefois (les banques mais aussi les investisseurs institutionnels), ce nouveau capitalisme s’impose comme une arme de guerre beaucoup plus rapide que toutes les formes passées de capitalisme. Ni les Etats ni les sociétés civiles ne savent répondre à la menace, car l’illusion est maintenue de la participation de tous (ceux qui en ont les moyens) à l’actionnariat et aux fonds de pension. Bien entendu, le petit actionnaire n’existe pas : au mieux, il brade à court terme ses actions et se satisfait d’une maigre pitance, vantée par les médias sous la forme d’actionnariat "populaire" (voyez ce qu’il advint de l’action EDF en deux jours...). Mais le petit actionnaire n’est qu’un cocu parmi d’autres : il n’a en rien sa place dans les conseils d’administrations. Son seul poids et sa seule satisfaction consistent dans sa capacité à revendre au mieux et au plus vite son portefeuille afin de laisser la place aux gestionnaires, ceux-là concentrant l’ensemble de la richesse et des capacités de décision des firmes.

    Car les donneurs d’ordres d’aujourd’hui (fonds de pensions, banques d’affaires, compagnies d’assurances) ne se contentent pas de vérifier les décisions prises par les PDG. Ils les obligent, au contraire, à en prendre, afin d’assurer à court terme des rendements forts, au risque de déstructurer des pans entiers d’une économie qui aurait mieux à faire en étant souvent mieux protégée. Le capital financier se voit doté d’un rendement (15%) qui le mène à une inflation constante en bourse, et donc, à une diminution obligatoire des revenus du capital "travail". Pire : on court après la réduction constante du capital "travail" pour mieux rentabiliser le capital financier. Mais jusqu’où ira-t-on ?

    Peyrelevade dresse le panorama de ce nouveau capitalisme total et nous impose une prise de conscience évidente : si les actionnaires ne sont plus identifiables, s’ils sont "dilués" dans le mythe de l’actionnariat populaire, ce n’est finalement qu’un effet communicationnel. Une minorité s’accapare les richesses mondiales et là, au moins, rien n’a changé. Le problème serait de pouvoir revenir sur des bases plus "saines", et redonner au travail ses lettres de noblesse, et sa rentabilité. Salariés de tous les pays....

    Jean Peyrelevade, "Le capitalisme total", 95 p, Editions du Seuil, 2005.

  • Lecture de Olympos de Dan Simmons

    Lecture de Olympos de Dan Simmons.JPGJ'ai profité des vacances pour attaquer le tome 2 de la dernière saga de Dan Simmons. Je ne suis pas un fan inconditionnel de ces longues sagas qui se déroulent dans un futur lointain ou dans l'espace, mais je sais m'y jeter l'imagination en éveil lorsqu'il le faut. J'ai lu le minimum syndical : Dune de Herbert et Hyperion, ainsi que quelques autres, mais j'ai préféré chez Simmons, l'Echiquier du Mal qui s'apparente sûrement à ce qu'il a fait de plus "traditionnel". Malgré tout, j'avais trouvé un certain intérêt et un vrai plaisir à lire Ilium, qui racontait plus ou moins la Guerre de Troie, transposée dans un autre univers. Ilium était violent, plein de pistes pour le second tome (qu'est Olympos) et  appelait une chute extraordinaire et pleine de révélations. Ilium était roublard avec ses inserts de références traditionnelles (Shakespeare) et sa manière de tisser passé et présent. C'était un livre bien écrit, bien composé, bien que plombé, comme souvent chez les grands imaginatifs (Dantec,...) par des pages et des pages de mises en place (la description de SF est parfois plus chiante qu'un début de chapitre... chez Balzac!).

     J'attendais pas mal de cet Olympos et m'en suis retourné complètement déçu. Olympos est complètement foireux. Il y a bien ce souffle épique caractéristique de l'auteur, cette manière de manier des histoires importantes et des galeries presque infinies de personnages (il en rajoute jusqu'à la toute fin pour réparer le canevas), des descriptions de bataille impeccables et de l'Histoire à toutes les sauces mais Olympos ne marche pas comme il faudrait : l'intrigue ne suit pas (trop complexe, trop ambitieuse pour ne pas devenir incohérente) et l'écriture non plus. Simmons use et abuse de la "rupture d'haleine", technique qui l'amène systématiquement à couper ces scènes en 2 (ou en 3) pour nous faire patienter. Du coup, on attend, on aime attendre mais cela ressemble à un système de maintien artificiel de l'intérêt qui finit par agacer. Son scientisme est multiplié par 3 sur les deux livres (ces pages inutiles, mais où est passé l'éditeur ?). Surtout, le retour sur Terre dans Olympos ne ressemble à rien. On apprend que les Palestiniens et les Français sont à l'origine d'une fin du monde bidon, après avoir voulu éliminer... des juifs. On se demande pourquoi Simmons se récupère (totalement fictivement) sur une sorte de miroir du Moyen Orient et semble (je ne connais pas assez son travail pour savoir si c'est... grave docteur) vouloir boucler son grand oeuvre sur une défense du sionisme, qui ue en août 2006, fait vraiment bizarre.... et surtout pas dans le ton.


    En clair, Olympos est une fin indigne des espoirs suscités par Ilium et un triste appendice à une saga qui s'annonçait plus que prometteuse. En guise d'enseignement (et j'espère qu'on n'aura pas à le redire avec Dantec dans quelques semaines), il faut vraiment veiller lorsqu'on s'attaque à des récits de cette ambition à être sûr de soi.

     

     

     

    Olympos de Dan Simmons

  • critique du livre Axiomatique de Greg Egan

    A propos de Greg Egan, je lisais quelque part : "Il y a la science-fiction "avant Greg Egan", la science-fiction "après Greg Egan" et, plus important encore, la "science-fiction de Greg Egan". Je ne me souviens plus où ? Toujours est-il que cette affirmation est parfaitement exacte. Je ne sais pas en quelle estime les lecteurs de ce blog tiennent la science-fiction (cette "littérature pour "débiles, geeks boutonneux et adolescents rêveurs", si l'on s'en tient à l'avis général, qui n'est, heureusement, jamais le bon) mais la SF selon Egan, c'est un peu comme la philosophie selon Deleuze... Egan est un auteur difficile (très) mais tellement passionnant. Le littéraire que je suis, a bien été obligé de se faire mal pour passer outre les idées préconçues sur la littérature mais - surtout - sur la réalité (dont la physique, la chimie, les mathématiques, le chaos, la psychologie mais aussi tout bêtement, la sexualité, l'amour, l'humanité sont les principaux ingrédients, comme dans les histoires d'Egan) à l'aune de l'esprit visionnaire d'un auteur de cette trempe.
    Première bonne nouvelle, la version d'Axiomatique publiée par Le Bélial est bel et bien la version américaine originale. Soit, 18 nouvelles publiées en tout (les éditions DLM avaient déjà publié, deux fois 4 nouvelles, dans deux recueils différents, et une, isolée, sous le format d'une novella).
    Deuxième bonne nouvelle, la traduction est impeccable (ce qui n'est pas un mince soulagement, les lecteurs de SF le savent bien)

    Au-delà de son approche intellectuelle, "Axiomatique" nous entraîne également dans des histoires émotionnelles et touchantes. L'auteur explore les différentes facettes de l'humanité à travers des personnages complexes et multidimensionnels. Leurs luttes, leurs doutes et leurs aspirations résonnent en nous d'une manière profonde. Greg Egan parvient à combiner habilement une intrigue captivante avec une exploration psychologique astucieuse.
    Toutes sont prospectives tout en se situant dans un futur proche, presque aujourd'hui, comme c'est le cas pour la bonne science-fiction. Les textes d'Egan sont souvent ironiques et très noires, concernant notre futur technologique. Lire Axiomatique est une activité viscérale, car à l'instar d'un David Cronenberg, la fiction d'Egan touche à ce que l'on a de plus intime. Ici pas de voyages spatiaux, d'extra-terrestres et de bataille à l'épée laser (ne vous fiez pas à la couverture). Egan examine avec la minutie d'un chirurgien (j'allais dire d'un Ballard, mais Ballard n'est pas un scientifique et il est bien faible comparé à Egan finalement) les mœurs, les sentiments, les élans de personnes, nous, plongées dans le bouillonnement des découvertes scientifiques de notre ère (biotechnologie, xénobiologie, génétique, nanotechnologie...) Au fil des pages, le lecteur acquiert le sentiment poignant de n'être qu'une petit chose, un homoncule n'ayant finalement que très peu d'expérience, en comparaison de ce qu'est la vie biologique et son évolution.

    Bref, Axiomatique fait parti de ces livres renversant. De ceux qui vous changent. A propos de Jeff Noon, j'ai été  gentil. Bon, d'accord j'ai un peu insisté. Mais à ceux qui s'extasie sur Palahniuk, Ballard, Thomas Pynchon ou Jonathan Littell, je conseil impérativement la lecture d'Axiomatique de Greg Egan.

     

     

     

    Greg Egan, Axiomatique, Les éditions du Bélial

     

  • Retour de lecture de : Ultra Heaven de Keiichi Koike

    Ultra Heaven   de Keiichi Koike.JPGDans ce qui ressemble fort à un futur proche, le Japon a légalisé le commerce et l'usage d'à peu près toutes les drogues et permis l'ouverture de "bars à pompes" où les salarymen las peuvent venir s'envoyer divers hallucinogènes de synthèse derrière la cravate après une dure journée de travail. Evidemment cette nouvelle consommation récréative respectable de la bonne société se démarque bien de celle des junkies qui fréquentent de bars à pompes crades, tenus par des médecins peu regardants sur les risques encourus par leurs clients, et qui se font harceler par la "police sanitaire" s'ils sont pris en flagrant délit d'hallucination dans la rue.

    "Jonathan Strange & Mr Norrell" nous plonge dans un univers où la magie côtoie l'histoire. Susanna Clarke a créé un monde dans lequel des magiciens exercent leur art pendant les guerres napoléoniennes (voir livres sur Napoléon). Les lecteurs seront transportés dans une époque où la magie se fait rare et où deux magiciens exceptionnels, Jonathan Strange et Mr Norrell, essayent de redonner vie à cette pratique perdue. L'attention portée aux détails historiques et l'imagination débordante de l'auteure créent une ambiance unique qui vous captivera dès la première page.

    Psychédélique

    Ultra Heaven est le premier manga de Keiichi Koike, un japonais qui aime visiblement beaucoup la bédé européenne et en particulier Moebius à en juger par son trait. Ce qu'il aime aussi, c'est dessiner de longues séquences psychédéliques qui évoquent les moments les plus allumés de la bédé française époque Métal hurlant et des underground comix américains. Cette influence occidentale se limite cependant uniquement au graphisme, les codes narratifs du manga étant respectés à la lettre pour un mélange qui rappelle celui d'Akira de Katsuhiro Otomo .

    Dans le futur de Ultra Heaven on suit un junky visiblement bien décidé à s'autodétruire par le plus fantastique des moyens. Il est accroc au "Peter Pan" mais est près à décrocher dès qu'il trouvera de l'Orange Sunshine, une drogue paraît-il plus dingue encore, qui circulerait sous le manteau. Un jour, un type louche qui utilise une sorte d'appareil éléctronique simulant l'éveil de la conscience bouddhiste lui fait essayer contre son gré une drogue mystérieuse, l'ultra heaven, qui va lui retourner la tête comme aucune autre.

    Un peu dificile de savoir quoi faire de ce manga au final : il y a des qualités d'écriture, un talent graphique certain mais qui n'aboutissent qu'à... quoi ? Une lecture sympathique, dirons nous, et à la découverte d'un auteur prometteur qui pourrait bien faire de grandes choses quand il aura décidé plus clairement ce que ces choses seront.

    Susanna Clarke est une maître conteuse, et son style d'écriture est tout simplement captivant. Elle utilise un langage riche et élégant pour donner vie à son récit, transportant les lecteurs dans un monde magique rempli de mystères et d'énigmes. L'intrigue est soigneusement tissée, avec des rebondissements inattendus et des révélations époustouflantes qui maintiennent l'intérêt du lecteur jusqu'à la dernière page. La taille du livre peut sembler intimidante, mais chaque chapitre est une nouvelle expérience en soi, rendant la lecture fluide et addictive.

     

    Ultra Heaven   de Keiichi Koike

  • Avis sur le livre : Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke

    Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke.JPGDisparition du primat de la politique comme moteur de l’Histoire, donc. Si l’Histoire raconte l’absence   de l’Absolu, et donc un manque, un creux, un écart, une distorsion entre tous les êtres et le plus haut de tous les êtres, comme entre le monde et entre ce que les êtres de l’Histoire peuvent en savoir, il faut bien expliquer cette absence.

    Dans le roman de Susanna Clarke, la réponse est éminemment littéraire, tant il est vrai qu’au fond, la conclusion de Jonathan Strange & Mr Norrell invite à penser que ce qui fait l’Histoire, ce qui provoque des événements irréversibles, c'est le livre. Certes, notre question initiale – quand il y a magie, peut-il encore y avoir histoire ? – est maintenue, tant il est vrai que le nerf du roman consiste en l’accomplissement de la prophétie mise en place, selon le doublet annonce/accomplissement, par John Uskglass, le roi-corbeau, pour orchestrer son propre retour. Une fois encore, le temps irréversible et dévorateur, le temps tragique, n’existe pas, ou, pour le dire autrement : le temps ne passe pas vraiment, puisque les morts ne meurent pas vraiment, mais peuvent être ramenés à la vie, ou être emmenés dans le royaume féerique. La disparition n’est pas consommation dans le temps, elle est seulement passage à un autre monde, à un autre plan de réalité, à un autre régime d’un unique Absolu, à un autre Royaume.

    "Jonathan Strange & Mr Norrell" nous plonge dans un univers où la magie côtoie l'histoire. Susanna Clarke a créé un monde dans lequel des magiciens exercent leur art pendant les guerres napoléoniennes. Les lecteurs seront transportés dans une époque où la magie se fait rare et où deux magiciens exceptionnels, Jonathan Strange et Mr Norrell, essayent de redonner vie à cette pratique perdue. L'attention portée aux détails historiques et l'imagination débordante de l'auteure créent une ambiance unique qui vous captivera dès la première page.

    Des personnages complexes et attachants:
    L'un des points forts du livre réside dans ses personnages remarquablement développés. Jonathan Strange et Mr Norrell sont des personnalités diamétralement opposées, ce qui crée une dynamique fascinante entre eux. Leurs interactions, parfois pleines de rivalité et de frustration, sont des moments de pur plaisir pour les lecteurs. Clarke a réussi à donner vie à des personnages réalistes et profonds, chacun avec ses propres motivations et désirs, les rendant incroyablement attachants.

    Toujours est-il que l’ontologie sous-jacente au livre de Susanna Clarke est basée sur le livre. Ce qui fait être les êtres, c'est le livre, et un livre en particulier : celui qui est tatoué à même la peau de Vinculus, le faux magicien mais vrai prophète.

    En réalité, le roman ne propose pas deux magies, ni donc deux mondes, ou encore deux ontologies. Il y a bien un monisme au commencement de tout, qui réside dans la personnalité de John Uskglass. Quelques rapides indices littéraires en témoignent. Les deux personnages du titre occupent les deux premières parties, mais la troisième qui réunifie l’ensemble porte bien le nom du roi-corbeau, et c'est dans un des derniers chapitres, porteur dans son titre du nom des deux magiciens, qu’on apprend réellement qu’ils ne sont que les éléments d’un plan prophétique plus vaste qui les a prévus, envoyés, pour restaurer la magie en Angleterre (il faudrait d’ailleurs commenter ce point très savoureux qui veut que la magie, qui engage tout de même les lois les plus intimes structurant tout ce qui est, est nationale, ou nationalisée, et qu’à la magie anglaise pluriséculaire répond une absence totale de magie française, ce qui provoque les défaites de Napoléon…). La dualité n’est qu’un mode de distribution de l’Absolu dans le temps, et qu’un dispositif mis en place par l’Absolu même pour recouvrer son entière souveraineté. Le négatif qui pourrait surgir dans le temps, comme un raté issu de ce plan d’ensemble, incarné par le gentleman aux cheveux d’argent devenu incontrôlable et cruel, sera finalement vaincu, et le plan exécuté.

     

    Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke