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dossier spécial Damasio

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Comment ne pas saluer par tout le tintamarre possible l’excellent numéro 42 de la revue Galaxies – Science-fiction, dont le dossier central est consacré à l'oeuvre splendide d' Alain Damasio ? Damasio : s’il m’est déjà arrivé d’évoquer rapidement, au détour de divagations littéraires, le damoiseau en question, je n’ai toutefois pas encore évoqué frontalement ce qui s’est passé avec ses deux romans, La Zone du Dehors et La Horde du Contrevent. Je parle bien d’événement, de ce qui « se passe », lors de la lecture des livres de Damasio, car l’art de cet auteur hors-normes est précisément de ne point laisser le lecteur se contenter de caresser les concepts sous-jacents à la construction d’une narration – il me faudra démontrer plus longuement l’inanité de cette conception de la littérature de l’imaginaire, d’ailleurs, en en montrant les présupposés métaphysiques, lourds de sens et parfois même potentiellement réactionnaires - , mais plutôt de fondre totalement ces concepts matriciels dans une fluidité narrative qui doit engager le corps du lecteur tout entier. La Horde, justement : par ce livre le corps revivait, je me rappelle, au cœur de ce bel hiver si doux, c'étaient les départs du vendredi soir vers la banlieue que j’accompagnais de quelques sorties de Caracole, le troubadour génial, mage des mots charnels, de l’argot de Golgoth, impitoyable meneur de Horde, pour qui la vie, comme je l’ai déjà dit ailleurs, tient plus à son orientation téléologique, donc à l’impossibilité d’un accomplissement pourtant nécessaire, au « sens », qu’ à la chair de l’instant, qu’à l’habitation de chaque douceur quotidienne, ce que j’avais nommé la « substance » du réel… La Horde, c'était le défi qu’Alain Damasio a lancé à toute ma génération d’anciens gamins déçus par la gauche politicarde, à toute ma génération de « montés à Paris » qui n’y ont principalement découvert qu’un grand vertige de solitudes insondées – quoique entrecoupées d’amitiés qui furent comme autant de cœurs de lumière consolateurs - , c'était cette affirmation impitoyable, sans répit, sans merci, que l’on ne saurait de son existence propre éradiquer le « lien », l’intrusion en moi-même de cet autre sans qui je ne suis rien et ne sais rien être ni personne. Mais La Horde, et c'est ainsi, aussi, que le livre a existé en moi, c'était un livre sur la traversée de l’humain, sur les possibilités pour tout un chacun de se laisser un jour intégralement transir, transpercer, de part en part, par ce qui, de nous, est à la fois le plus et le moins humain, ce qu’Alain nomme le « hors humain ». La Horde venait faire surhumainement ressentir à quel point, en chacun de nous, le processus d’humanisation, le devenir toujours plus « soi-même comme un autre1 », c'est-à-dire le fait que nous ne sommes nous-mêmes que des métaphores, des transferts permanents d’identité et d’altérité, que cette genèse, donc (encore un thème sur lequel je tenterai, dans les jours à venir, à grand renfort de lectures philosophiques récentes, d’apporter quelque lumière…), est interminable. Je suis devenu Sov et Oroshi, moi qui savais depuis quelque temps déjà avoir en moi du Pietro Della Rocca.

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